Toujours dans mon approche plus ou moins ethnographique des plantes, des animaux, des traditions oubliées et de la nature dans son ensemble, j'en suis venue à me pencher sur ce que l'on nomme dans le langage courant la Sorcière:
Dans l'imaginaire européen, la sorcière est le plus souvent représentée sous les traits d'un vieille femme laide, méchante et sale qui utilisent des ingrédients farfelus dans un chaudron pour créer des poisons et des filtres d'amour.
Mais dans les faits, qui étaient ces femmes qui, à la Renaissance, avaient une bien sombre réputation au point de finir sur le bûcher?
Les sorcières et sorciers étaient des femmes et des hommes, nomades ou non, qui ont hérités des religions dites païennes la connaissance des plantes et du corps, la croyance magique et les rituels. À l'image des prêtresses nordiques, ils étaient appelés comme guérisseurs, voyants, médiums, jeteurs de sorts, empoisonneurs ou comme purificateurs en échange d'argent, d'un bon repas ou/et d'offrandes diverses.
Avec la christianisation, les pratiques magiques et les soins par la nature ont été diabolisés en étant relégués au rend d'hérésie.
Les recettes des filtres magiques et des potions de guérisons étaient jalousement gardées. Des codes étaient utilisés pour permettre aux initiés de comprendre les écrits et de les protéger des curieux. Ainsi les ingrédients et les actions pouvaient paraître des plus insolites aux yeux des non initiés (sic: l'emploi de la traditionnelle bave de crapaud).
Voici une petite liste glanée sur le net non exhaustive des correspondances entre les formules employées et les plantes. Attention, chaque époque et chaque lieu a son propre vocabulaire de sorcière,ici ne figure qu'un des nombreux langages employés par ce que l'on nommait les hommes et femmes médecine:
Aile de chauve-souris => houx
Arbre à concombre => magnolia
Baton de jupiter => molène
Bec d’oie => potentille
Belle dame => belladone
Bile humaine => sève de navet
Blé des fourmis => chiendent
Blé noir => sarrasin
Bois de mai => aubépine
Bois de vie => bois de gaiac
Bourreau des arbre => lierre grimpant
Bourse à berger / bourse de capucin => bourse de pasteur
Bouton d’or => ficaire, renoncule
Brosse à chevaux => prêle des marais
Buisson ardent => fraxinelle
Caille-lait => gaillet
Cillot => molène
Capuche de moine / casque de jupiter => aconit
Cassave => manioc
Casse-pierre => renouée
Cendrée => chélidoine
Cervelle de chat => gomme de cerisier
Char de Vénus => aconit
Chasse-diable => millepertuis
Cheveux de Vénus => capillaire
Cheveux du diable => cuscute
Cloche d’argent => viome
Coeur d’aigle => absinthe
Coeur de berger => bourse de pasteur
Corbeille d’argent => alysse odorant
Corail rouge => piment rouge
Corne de licorne => hélonias
Coudrier => noisetier
Courrone de terre => lierre
Crache-venin => bryone
Crinière de lion => origan des marais
Cumin des près => carvi
Dent de lion => pissenlit
Disocorée chevelue => igname
Echelle du Christ / herbe à fièvre => centaurée
Ecorce sacrée => cascara
Eupatoire des Anciens / herbe à la trompette/ herbe de saint John => aigremoine
Faux buis => busserole
Fée verte => absinthebarda
Fenouil puant => aneth
Férule fétide => asa foetida
Fève de loup => hellébore
Fiel de terre => fumeterre
Figuier d’inde => banian
Fleur de chocolat => géranium
Gant de fée /gant de Marie => ancolie
Gant de Notre Dame => digitale
Gazon de Marie => alysse
Gommier bleu => eucalyptus
Graine d’Horus => marube
Gratte-cul => églantier
Grippe de loup => lycopode
Gueule de chien => gueule de loup
Hélénine => grande aunée
Hellébore des Anciens => verâtre blanc
Herbe à bouteille => pariétaire
Herbe à la coupure / herbe du cardinal => grande consoude
Herbe à l’ail => alliaire
Herbe à lait => polygala vulgaire
Herbe au somme => jusquiame noire
Herbe au cents goûts => armoise
Herbe aux mille trous / herbe de la saint Jean => millepertuis
Herbe aux myopes => euphraise
Herbe aux sorcières => belladone
Herbe aux sorciers => datura
Herbes à verrues => chelidoine
Herbe de l’enchanteur / herbe de sainte Marie => verveine
Herbe de saint Jacques => jacobée
Herbe des vierges => absinthe
Herbe du bonhomme => lierre terrestre
Herbe du bon soldat => benoîte
Herbe sacrée / herbe sainte => yerba
Jasmin sauvage => jasmin de virginie
Lait de louve / lait de serpent => euphorbe
Lait de notre-Dame => chardon-marie
Laitue des chiens => chiendent
Laitue indienne => pourpier d’hiver
Langue d’addition => cornouiller
Langue de cheval => liatrix
Langue de moineau => renouée à fleur
Langue d’oie => grasette
Langue de serpent => erythrone
La sorcière / l’élégante / maître des bois => aspérule
Lilas les indes => margousier
Lys de la vallée => muguet
Manteau de Notre-Dame / manteau des dames => alchémille
Maroute => camomille puante
Mauve indienne => abutilon
Mescal => peytol
Millet des Indes => maïs
Molène => bouillon-blanc
Morelle grimpante => douce amère
Mousse d’Irlande => carragheen
Moutarde des allemands / mourtarde des capucins => raifort
Museau de veau => gueule de loup
Museau de porc => pissenlit
Navet du diable => bryone
Noisetier des sorcières => hamamélis
Oeil de cheval => grande aunée
Oeil du Christ => sauge
Ombrage des bois / pain de saint Jean=> caroubier
Oreille de souris => piloselle épervière
Pain du coucou => plantago
Patience crepue => patience sauvage
Patte d’ours => acanthe
Patte de chat => asaret
Patte de corbeau (ou de corneille) => géranium tâcheté
Patte de crapaud => noyer cendré
Patte de loup => bugle rampant
Pas d’âne /pied d’âne / pied de taureau => tussilage
Perce-muraille => pariètaire
Petit chène => veronique germandrée
Petit houx => fragon épineux
Pied de griffon => hellébore noire
Plante du tonerre => joubarbe
Plante royale => basilic
Plume d’aigle => ail sauvage
Plume de paon => coquelicot
Poivre à queue => cubère
Polypode du chène => polypode (ou fougère)
Pomme épineuse => datura
Pommier d’arménie => abricotier
Poupée de cire => fumeterre
Prune de java => jamelongue
Punaise mâle => coriandre
Queue de cheval /queue de chèvre=> prêle
Queue de cochon => fléau du léopard
Queue du chapon => valériane
Queue de renard => prêle ou amarante
Quintefeuille => potentille rampante
Racine de l’amour => racine de patchouli
Racine d’oeil => hydratis
Racine de Licorne => alétris
Raisin de renard => parisette à 4 feuille
Raisin d’ours => busserole
Réglisse des bois => polypode
Reine de la nuit => vanille
Reine des près => ulmaire / pygamon (toxique)
Rouvre => chêne
Roseau aromatique => acore vrai (appelé aussi calami)
Rose de noël => hellébore noire
Rudbeckie pourpre => echinacée (populaire en allemagne)
Sabline rouge => arenaria
Sabot de Vénus => valériane américaine
Salivaire => pyrèthre d’afrique
Sang => sang de dragon (résine rouge tiré du dragonnier) / sève de sureau noir
Sang d’Arès => pourpier
Sang de chatte => verveine
Sang d’oie => lait de murier
Sang de nez => millefeuille
Sang de titan => laitue sauvage
Sang d’héphaistos => absinthe
Santé de l’homme => ginseng
Sensitive => mimosa
Serpentaire => clématite
Soucis des jardins => soucis ou calendula
Sparte => genet d’espagne
Sperme d’amon => joubarbe
Sperme d’Hélios => rose de Noël
Sperme d’Hermes => aneth
Tabac indien => lobélie
Tête de grenouille => renoncule
Thé des abyssins => qat
Toile d’arignée => cuscute
Trifiol => trèfle
Tue-loup /tueur de brutes /tueur de femmes / tueur de léopard => aconit napel
Turquette => herniaire
Verbénaire => verveine
Verge des ménagères => genêt à balai
Violette du sorcier => petite pervenche
Yeux de chat => chicorée sauvage
Bref, voilà un inventaire à la Prevert qui peut donner un autre regard sur les pratiques du passé en particulier, sur les soin par les plantes, à une époque où les médicaments et les techniques médicales n'étaient pas celles-d'aujourd'hui. D'ailleur, herboristerie et médecine n'étaient pas dissociées l'une de l'autre, comme l'explique ce long texte du dénommé "Karsho":
"L’histoire des plantes médicinales
Se soigner par les plantes est une forme de médecine aussi ancienne que peut l’être la conscience humaine. Des études ont observé le comportement de certains animaux qui consomment sans se tromper des plantes comestibles. La connaissance des plantes a souvent commencé par l’observation des animaux. Les moutons par exemple, broutent d’eux même la fougère mâle quand ils souffrent de vers intestinaux. La fougère mâle est un remède contre le ver solitaire connu depuis la plus haute antiquité.
Les effets sur l’organisme de la consommation de plantes sauvages ont été observés pendant des millénaires. Consommées régulièrement en période de disette, on ne peut manquer de constater certain effets : laxatifs, diurétiques, constipants, sudorifiques, adoucissants, …
Au XVIIIè siècle par exemple, on ajoutait de la farine de glands au pain. On utilisait aussi les glands pour faire du café pendant la seconde guerre mondiale.
Mais les intoxications sont toujours un risque à garder à l’esprit.
Les premiers textes médicinaux parvenus en France provenaient de Chine, Egypte et Mésopotamie, montrant
ainsi que le savoir thérapeutique existait déjà il y a 3000 ou 4000 ans. A l’époque, la médecine était surtout pratiquée à base de rituels magiques, puis furent développés des remèdes à base de minéraux, d’animaux et surtout de végétaux.
On sait que les Egyptiens connaissaient les propriétés sédatives du pavot ou encore que les Assyriens utilisaient correctement la belladone contre les spasmes.
Toute la base de la médecine occidentale se retrouve dans les médecines grecque, latine, arabe.
Au Moyen Age, l’Europe connaît une période d’extrême ignorance, tous savoirs étant mis à l’écart par l’Eglise. Le savoir médical est alors réservé aux ecclésiastiques. Les « non prêtres » utilisant un savoir médical quelconque avaient vite fait de passer pour hérétiques.
C’est à partir de la Renaissance que les textes anciens sont « retrouvés ». L’Antiquité est un sujet qui passionne. Les peintures et sculptures représentent les héros des mythes grecs. On traduit, on compile des ouvrages, et la connaissance des végétaux se précise. Le XVIè siècle est marqué par un grand intérêt pour les plantes, en témoignent quantité d’ouvrages et de publications très illustrées. Tout ce savoir, ces livres, vont se propager jusque dans les campagnes où il va se mêler aux savoirs populaires. Le fond devient commun mais chaque région y ajoute ses propres connaissances ancestrales. Citons par exemple le suc d’ortie, préconisé par Dioscoride (1er siècle) contre les saignements de nez. En 1980, on retrouvait cet usage de l’ortie à Banon (Alpes de Haute Provence). Mais si le suc d’ortie a eu sa place dans un livre, ce n’est pas le cas de toutes les plantes, comme le plantain œil de chien qui est utilisé dans la médecine populaire sans avoir été mentionné dans un quelconque ouvrage.
Ainsi, l’intérêt pour l’Antiquité et la redécouverte des savoirs a établi les bases d’un savoir « savant » qui nous conduira vers la médecine moderne que nous connaissons actuellement.
Le remède du peuple
De tous temps, il y a eu la médecine des riches et la médecine des pauvres. Voici une citation qui résume bien l’idée :
« Les hommes qui appartiennent aux premières classes de la société ont sur les propriétés des médicaments des préjugés qu’il serait dangereux de heurter : ils aiment la multiplicité des remèdes, ils prennent pour de grandes vertus la singularité de leurs noms, leur rareté et surtout leurs prix élevés. Médecins, n’allez pas leur prescrire ces végétaux précieux mais d’un emploi trop vulgaire, que la nature fait croître abondamment dans nos campagnes, réservez les pour le peuple. Voulez vous donner une haute idée de votre génie? N’ordonnez jamais que des remèdes extraordinaires, ou des substances amenées à grands frais des contrées les plus éloignées. »
MONTFALCON, Dictionnaire des sciences médicales, 1850
Les fortunéss ont toujours préféré le recours aux remèdes et drogues exotiques, aux épices, aromates et résines comme le benjoin et la myrrhe. Toutes ces substances étaient très coûteuses et très souvent falsifiées. Le principe était qu’un médicament était d’autant plus efficace qu’il était cher et complexe.
Un exemple typique est la Thériaque. Cette composition était attribuée à Andromaque, médecin de Néron (1er siècle). Elle contenait plus de 100 produits différents, animaux, végétaux et minéraux, dont certains très toxiques comme l’opium ou le venin de vipère. A l’origine un remède aux poisons, la Thériaque est vite devenue un remède à tout faire. En 1884, la pharmacopée française en donnait encore une formule à 60 composants.
Bon nombre de recueils de recettes au XVIIè et XVIIIè siècles en particulier font état d’une grande quantité de recettes compliquées.
Il va sans dire que les pauvres ne pouvaient mettre en pratique ces formules.
Le mot « simple » fera son apparition au XVè siècle, désignant un médicament constitué d’une seule substance. Par la suite, il s’appliquera pour désigner les plantes médicinales.
Dans la société traditionnelle, le savoir sur les simples était indispensable pour survivre. Transmis de génération en génération, il s’enrichissait du savoir empirique et des recettes rapportées par les colporteurs, les pèlerins, les ouvriers saisonniers, …Ce savoir qui fait aujourd’hui sourire a su se préserver au fil du temps. Comme cité plus haut avec l’ortie, on gardait des recettes du 1er siècle et au delà.
Le savoir médical populaire a eu ses spécialistes : des guérisseurs qui préparaient potions et onguents auxquels ils ajoutaient leur propre pouvoir de magnétiseur. On venait de loin pour profiter de leurs recettes.
Après l’opposition médecine des riches/médecine des pauvres, une autre confrontation a vu le jour : savoir savant/savoir populaire. Bon nombre de médecins actuels jugent la médecine populaire avec dédain. C’est signe qu’un fossé s’est creusé entre les deux car la base de la médecine savante prend racine dans la médecine populaire. Cette dernière s’inscrit dans une association entre médecine, croyances magiques et religion. La médecine moderne s’est complètement émancipée de ces concepts non avérés scientifiquement.
Les femmes et la médecine traditionnelle
C’est surtout par les femmes que c’est transmis le savoir sur les plantes dans les campagnes. C’était un domaine qui leur était souvent réservé et la connaissance des remèdes était l’une des rares libertés qu’elles avaient.
Ces guérisseuses étaient appelées les « bonnes femmes ». Sur les illustrations médiévales on voit souvent une femme choisir les plantes pour en préparer un remède.
Mais ces remèdes et cette liberté seront dénoncés par l’Eglise, principale détentrice du savoir et soucieuse de son influence sur le peuple. Les femmes détenant les secrets des plantes seront donc considérées comme sorcières et persécutées du XIIè au XVIIè siècle. Les pèlerinages aux saints guérisseurs ont ainsi toute légitimité.
Pour l’Eglise, la sorcière était celle qui avait partie liée avec les forces de la nature, considérées comme des forces mauvaises. Le Diable était parfois nommé « le maître qui fait germer les plantes ».
Quoi qu’il en soit, même si l’empirisme véhicule certaines erreurs, la médecine moderne a explicité et confirmé la valeur de bon nombre de « remèdes de bonnes femmes ». Malgré le dédain des médecins « savants », les guérisseuses parvenaient à soigner avant que ceux ci n’arrivent dans les campagnes. Très rares sont ceux qui ont reconnu leurs limites et le succès des "bonnes femmes" dee campagne. Citons le témoignage d’un célèbre médecin provençal au XVIIIè siècle:
« Ne sommes nous pas obligés de déclarer avec confusion l’impuissance où nous sommes de pouvoir secourir les malades, tandis qu’une femmelette guérit par un simple remède, à nous inconnu, la maladie qui nous parraisoit incurable. Les médecins qui ont de la bonne foi ne sauroient en disconvenir. »
Pierre Garidel, Histoire des plantes qui naissent aux environs d’Aix, 1715
De nos jours, les conditions sociales se sont nettement améliorées pour les femmes, et le rapport avec les herbes se transmet toujours. Les nouvelles héritières peuvent comparer avec des ouvrages de vulgarisation scientifique et modifier leurs pratiques vers un empirisme éclairé, limitant les erreurs potentielles.
La médecine des signatures
Les Hommes ont pendant longtemps observé la nature. Ils y voyaient un espace soumis et guidé par la volonté du créateur. Toutes les réponses devaient être dans la nature, pour qui saurait décoder ces messages en formes, en couleurs, en comportements, des animaux, végétaux et minéraux. Tout un savoir s’est donc construit sur cette perception des analogies entre la nature et l’Homme.
De tous temps, les Hommes ont distingué les plantes aux particularités remarquables et offrant des similitudes avec des parties du corps ou des maladies.
Cette médecine par analogie était déjà pratiquée dans la Chine ancienne. Elle fut redécouverte en Europe à la Renaissance, via les travaux de médecins alchimistes parmi lesquels Paracelse (1493-1541), Porta (1540-1615), Crollius, …
Les alchimistes étaient d’accord pour dire que la forme, l’image des plantes étaient la signature de leurs pouvoirs, offerts par la volonté divine. C’est de là que vient le nom de « médecine des signatures ».
Cette pratique, qui ne manque pas de faire sourire nos esprits « scientifiques » modernes, en a quand même surpris plus d’un car de nombreuses vertus supposées par ce mode de thérapie se sont avérées réelles.
Cependant, la « mode » de l’analogie a aussi attribué des pouvoirs imaginaires aux plantes. Toutes les plantes capillaires devaient soigner le cuir chevelu et la noix, avec sa forme en cerveau, devait vaincre la folie. Mais aujourd’hui, sait on tout de la noix?
Le domaine sexuel a lui aussi (et lui surtout) fait l’objet de toutes les fantaisies. Tout le monde y voyait des analogies partout ou presque et toutes sortes d’interprétations ont vu le jour.
Prenons l’exemple de Crollius dans son livre La Royale Chimie (1624). Il parlait des racines d’orchidées sauvages à deux tubercules. L’un des deux était toujours plus flétri car c’est dans ses réserves que tige, feuilles et fleurs avaient prélevé l’énergie. Crollius écrivait que « [les deux tubercules] peuvent se corriger l’un l’autre : car le plus grand, plus haut et plus plein excite grandement au fait, mais le plus bas, mol et ridé, a un effet tout contraire : car au lieu d’eschauffer il refroidit, merveille de la sagesse de la nature. » C’est à dire que la même plante était supposée être aphrodisiaque ou anaphrodisiaque selon le tubercule choisi.
Voici un exemple d’analogie dont la science moderne a reconnu les vertus : le millepertuis. Ces feuilles ont de nombreuses glandes translucides bien visibles par transparence. Elles évoquent donc les blessures (trous) et la transpiration (image des pores de la peau). Les glandes de l’inflorescence sécrètent un suc rouge qui rappelle le sang.
On se sert encore du millepertuis comme cicatrisant et anti inflammatoire.
Plantes médicinales et magie
De nombreuses plantes médicinales, et en particulier les plantes toxiques, ont été liées à la magie. Citons la plus caractéristique des familles : les Solanacées (belladone, jusquiame, datura, mandragore, …)
Ces plantes ont des actions sur le psychique : hallucinations, délires, …
Les breuvages hallucinatoires étaient utilisés par les sorcières médiévales pour la divination ou pour apaiser les douleurs. Le vol des sorcières était d’ailleurs très certainement une sensation de vol par hallucinations.
Les plantes ont fait l’objet de toutes les craintes et de tous les fantasmes, et tant que contre sort, amulette ou talisman. Toutes ces croyances finissent par créer des ambiguïtés. Le sureau par exemple est protecteur dans le nord de l’Europe (Scandinavie) et maléfique dans le Berry.
Les rites de la cueillette
Un savoir très ancien a associé aux plantes des planètes et des signes du zodiaque. Il y a donc une période propice pour chaque plante. Généralement les plantes étaient cueillies en lune croissante, bien que l’on note parfois quelques exceptions. La rue par exemple était cueillie en lune croissante quand on la destinait à soigner la gorge et en lune décroissante pour un effet abortif.
Des recherches montrent que l’influence de la lune, observée par nos ancêtres, existe bel et bien.
Pendant longtemps, l’herboriste s’apparentait au prêtre et la cueillette était un véritable culte au végétal. La personne qui s’apprêtait à cueillir la plante la considérait avec respect et procédait à tout un rituel de purification : jeûne, abstinence, ablutions, vêtements blancs, … et s’approchait pieds nus puis s’agenouillait devant la plante.
On ne la coupait jamais avec du fer, considéré comme un métal vil, mais avec des métaux précieux comme l’or et l’argent. Une coutume consistait à déterrer la plante avec une pièce d’or.
En général on recommandait la cueillette à la main.
Parfois, quand la plante était considérée comme néfaste, on l’approchait à reculons pour la surprendre et éviter un quelconque maléfice du Diable.
De très nombreuses plantes étaient cueillies le jour du solstice d’été. On les appelle les Herbes de la St Jean. La plus symbolique d’entre elles, solaire par excellence, est le millepertuis.
De la gloire à l’oubli
Certaines plantes étaient si utilisées qu’on les croyait capable de tout guérir. On leur a donné le titre de panacées, du grec pan = tout et akos = remède. Parmi elles : la sauge officinale, la bétoine, la verveine officinale, …
Mais le temps faisant, certaines plantes à la réputation parfois surfaite ont été jugées « peu usités » ou « faibles » et leur usage a fini par disparaître.
Au début du XIXè siècle, le savoir populaire se dégrade et alimente les critiques de la médecine savante. Peu de temps avant la Révolution, les médecins de la Faculté avaient obtenu l’autorisation d’interdire les médicaments empiriques fabriqués par le non médecins et non apothicaires.
Au début des années 1800, les premiers principes actifs sont extraits (du pavot). C’est le début de la pharmacologie moderne qui signe le déclin de la médecine populaire.
Plusieurs causes ont précipité ce déclin :
- la prolifération des charlatans
- la mauvaise qualité des plantes vendues (abîmées, périmées ou falsifiées)
- l’exode rural qui rend difficile la transmission du savoir
- la baisse de confiance en comparaison avec les nouveaux médicaments.
C’est une véritable révolution pharmaceutique qui est en marche et qui fait table rase sur les fables. La technique remplace la tradition et la magie. Mais même si certains médicaments sont parfois indispensables (les antibiotiques par exemple) il ne faut pas oublier qu’il y a une plante derrière."
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